Je me questionne depuis un certain temps sur l’intérêt d’écrire ce témoignage. Je n’aime pas trop que l’on sache. La pudeur peut-être. Le fait de ne pas vouloir être victimisée, certainement.
Mais saluons la prestation de M. Rebsamen qui, dans le Petit Journal, conseille à une jeune dans le même cas que moi d’aller à la mission locale. Merci pour cet élément déclencheur, Monsieur !
Tout à commencé lors de ma première année de fac. Ce cadre sans cadre ne me convenait pas, c’est ainsi. Certainement trop habituée à des professeurs pour qui j’étais plus qu’un simple numéro d’étudiant. Certains s’en accommodent, moi pas. Mais ma volonté n’est pas de refaire l’histoire !
J’ai donc mis les pieds à la mission locale, sans les conseils de Monsieur Rebsamen.
- Que voulez-vous faire ?
- Je ne sais pas trop, je dois l’avouer.
- Avez-vous des passions ?
- Oui, la politique, l’histoire et la littérature.
- D’accord. Vous avez été animatrice pendant les vacances ?
- Oui, pour payer mon permis de conduire et mes études. Juste un petit boulot.
- Et vous aimiez cela ?
- Oui beaucoup.
- Très bien cela vous dit d’être animatrice professionnelle ?
- Ah, euh, bon oui d’accord.
- La formation dure 13 mois et vous toucherez 1 000 euros par mois versés par Pôle Emploi.
Quand on est jeune, on compte en pâtes … et là ça faisait beaucoup de pâtes ! Alors j’ai dit oui.
Il fallut ensuite plus de 4 mois de démarches administratives, mais passons sur ces « détails ».
13 mois de formation, donc. Sauf que personne ne m’avait prévenue qu’il fallait un bagage de pratique artistique. Je ne validerai donc que les 2/3 de mon diplôme, soit la partie élaboration de projet. Echec.
S’ensuivent quelques mois de perdition, où j’apprends gentiment que le travail à la commission est une véritable arnaque. Arnaquer les gens ou se faire arnaquer …
Mais je ne suis pas du genre à me laisser abattre alors je décide de prendre des petits boulots, en attendant. Je deviens animatrice et nounou. Quitte à avoir avalé 13 mois de pédagogie de l’enfant … autant m’en servir !
La maman de la petite que je garde ne comprend pas comment une « une fille comme moi » peut avoir autant de difficultés dans la vie. La responsable de l’agence de garde d’enfant non plus. Et moi avec parfois.
Après quelques mois à vivre avec 400 euros, je me dis un matin : « on est en France, je suis bosseuse, on ne va tout de même pas me laisser crever de faim ! ». Je me lance et je fais une demande de RSA. Je n’ai pas 26 ans, je n’ai pas cumulé suffisamment d’heures de travail. Je peux crever.
Entre temps, François Hollande et son Gouvernement lancent les emplois d’avenir. L’établissement où je travaille en tant qu’animatrice se dit que « ça pourrait être bien pour elle ». Je trouve aussi. Sauf que j’ai eu la fâcheuse idée de vivre dans le centre de Lyon. Je ne vis pas en ZEP (Zone d’éducation prioritaire) donc je peux me brosser. Mais quelle idée de vouloir vivre dans un quartier tranquille quand on est une femme et que l’on vit seule !
Encore une fois, pas question de se laisser abattre !
Et puis soudain, la lumière au bout du tunnel : un poste à plein temps dans une école. Une famille me repère et voudrait que je sois AVS (Auxiliaire de vie scolaire) pour leur petit garçon autiste. Quel beau projet !
« Mademoiselle, pour être éligible à ce poste, il faut avoir connu 12 mois de chômage ! »
Si j’avais su que pour avoir un poste à plein temps, il fallait rester au chaud à la maison à regarder des conneries à la télé, au lieu de trimer pour 400 euros par mois !
Pendant ce temps, je n’ai toujours pas de droits à Pôle Emploi car mes horaires ne me permettent pas de prendre un 3e travail.
Je décide donc de trouver un stage dans un secteur qui me plaît : le web. Le meilleur moyen de mettre un pied dans le milieu du travail paraît-il.
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« Oui, il existe un moyen de vous signer une convention pour 6 mois. Le dispositif va bientôt disparaître. Votre dernière formation financée datant d’il y a deux ans cela devrait être bon. Attendez, il ne faut pas avoir le Bac, mais je vais faire une dérogation. »
Heureusement, la dérogation à été acceptée. Sinon j’aurais fini par m’en vouloir d’avoir fait cette énorme bêtise de réussir mon Bac !
Je gagne donc 600 euros par mois, le découvert du mois précédent comblé. Il me reste de quoi payer mon loyer (si éventuellement, je décide de ne pas manger et de ne pas sortir pour avoir une vie sociale) !
Mais j’ai des horaires de travail, un bureau et il m’arrive de croiser les mêmes personnes dans le métro le matin. Le simple fait de dire « je vais au bureau » suffit à mon bonheur ! Incroyable, non ?
Mon histoire continue de s’écrire aujourd’hui. Le problème n’étant plus mon âge, mon lieu d’habitation, mon Bac, cette obstination à vouloir travailler mais les charges qui pèsent sur les entreprises et qui empêchent mon embauche immédiate après mon stage …
La morale de cette histoire ? La discrimination et l’injustice ne sont pas toujours où l’on pense. Et le social, lui, a ses limites. Je comprends, bien sûr, que d’autres dans mon cas baissent les bras. Ma chance aura été et reste le soutien de ma famille qui croît en moi. Mais ceux qui n’en ont pas ?
Je continue d’y croire. Je veux faire quelque chose de ma vie. Et personne ne m’en empêchera.
Le combat continue !
Samantha Jimenez